Mon travail #
Les études de ces deux dernières décennies semblent montrer que les courants océaniques de fines échelles (d’ordre de grandeur entre 1km et 10km) ont une forte influence sur le phytoplancton. Néanmoins, quantifier exactement leur impact sur l’écosystème dans son ensemble – c’est à dire sur des régions typiquement de milliers de kilomètres de large – est difficile.
Thèse #
Pendant ma thèse, j’ai donc essayé de quantifier l’impact des fronts (des structures importantes aux fines échelles) sur le phytoplancton dans une large zone autour du Gulf Stream, en utilisant l’imagerie satellitaire.

Les méandres du Gulf Stream depuis l’espace: Chlorophylle-a (en haut) and température (en bas). Données MODIS-Aqua L2, 2007-04-22.
Nous détectons les fronts en calculant un ‘Heterogeneity Index’ à partir de la température de surface de la mer satellite (Haëck et al. 20231, Liu & Levine 20162).
Ensuite, nous avons quantifié la chlorophylle (également à partir de données satellites) à l’intérieur et à l’extérieur de ces fronts. Ce travail a été rendu difficile par la présence de régions de régimes biogéochimiques différents, et de gradients à grande échelle au sein de ces régions.
Nous montrons l’importance de distinguer l’impact des fronts mesurés localement, et régionalement en tenant compte de la surface impactée. Nous observons égalment que l’impact des fronts dépend de leur intensité. Enfin, nous avons pu mesurer un début de bloom plus précoce dans les fronts, d’une à deux semaines.

Excès local de Chl-a dans les fronts and surplus régional prenant en compte la surface des fronts Haëck et al. 2023, figure 9.
Ces résultats sont présentés dans l’article: “Satellite data reveal earlier and stronger phytoplankton blooms over fronts in the Gulf Stream region”, ainsi que dans mon manuscrit de thèse.
En ce moment… #
Je continue à travailler sur la méthodologie mise en place. Nous l’avons depuis appliqué à des données sur la composition du phytoplancton, générées par Roy El Hourany3. Nous avons constaté un décalage de la population vers davantage de diatomées et moins de procaryotes au niveau des fronts, tandis que le changement pour les autres groupes eucaryotes varie4. Cette évolution représente jusqu’à la moitié de la différence à grande échelle entre les communautés, soulignant l’influence considérable des fronts sur la composition des communautés phytoplanctoniques.
Composition de la communauté phytoplanctonique pour chaque biome dans des conditions sans front, avec des fronts faibles et avec des fronts forts. Calculé sur la période 2002-2020. Lévy et al. 2025, figure 5.
Elle a également été appliquée dans la zone du courant Californien5, dans l’optique (entre autres) d’étendre les résultats ci-dessus à d’autres régions. Dans le cadre du projet 4DMED-Sea, cette méthodologie est appliquée à la mer mediterranée. Plusieurs pistes d’études permises par les données novatrices du projet sont également considérées: effet des fronts en profondeur, comparaison des fronts thermiques, dynamiques, et de densité…
Les codes utilisés pour ces études sont déjà disponibles publiquement (gitlab.in2p3.fr/clementhaeck/submeso-color), et je travaille à les rendre plus accessibles et plus facilement réutilisables grâce à deux projets: heterogeneity-index et data-assistant. L’application à l’échelle globale est en développement à gitlab.in2p3.fr/biofronts/submeso-color.
J’ai également commencé à compiler des méthodes de détections de fronts dans un même paquet Python: fronts-toolbox.
Haëck C., Lévy M., Mangolte I., Bopp L. “Satellite Data Reveal Earlier and Stronger Phytoplankton Blooms over Fronts in the Gulf Stream Region”. Biogeosciences 20.9 (may 2023). doi:10.5194/bg-20-1741-2023 ↩︎
Liu X., Levine N. M. “Enhancement of Phytoplankton Chlorophyll by Submesoscale Frontal Dynamics in the North Pacific Subtropical Gyre”. Geophys. Res. Lett. 43.4 (2016). doi:10.1002/2015gl066996 ↩︎
El Hourany R., Abboud‐Abi Saab M., Faour G., Aumont O., Crépon M., Thiria S. “Estimation of Secondary Phytoplankton Pigments from Satellite Observations Using Self-Organizing Maps (SOMs)”. J. Geophys. Res. Oceans 124.2 (feb. 2019), p. 1357-1378. doi:10.1029/2018jc014450 ↩︎
Lévy M., Haëck C., Mangolte I., Cassianides A., El Hourany R. “Shift in phytoplankton community composition over fronts” Commun. Earth Environ. 6.1 (jul. 2025), p. 591. doi:10.1038/s43247-025-02553-1 ↩︎
Mangolte I., Lévy M., Haëck C., Ohman M.D. “Sub-frontal niches of plankton communities driven by transport and trophic interactions at ocean fronts”. Biogeosciences 20.15, (aug. 2023). doi:10.5194/bg-20-3273-2023 ↩︎